Le lieu de repos
On dit que les gens reviennent pour hanter les endroits où ils ont vécu les moments importants de leur vie, alors je suis sûr que dans cent ans, les gens rapporteront avoir vu le fantôme d'un jeune homme bien coiffé, debout devant un podium à la porte du Rideau Cottage sur le terrain de Rideau Hall. Cependant, Justin Trudeau n'est pas le sujet de ce billet de blogue, ni le Rideau Cottage. Non, il s'agit de l'autre résidence officielle, le 24, promenade Sussex, résidence officielle de tous les premiers ministres canadiens depuis 1951, sauf un. (Non, ce n'est pas Justin ! Il y vivait quand son père était premier ministre. Pouvez-vous deviner qui c'était ?)
Bien avant que les premiers ministres ne s'installent au 24, promenade Sussex, il y avait plusieurs qui ont vécu dans l'enceinte de ses murs. Joseph Merrill Currier était l'homme qui a commandé sa construction en 1866, et maintenant que ce manoir est vide, attendant son sort, j'imagine que les échos spectraux de son existence mortelle se jouent dans le silence de ses pièces.
Sa construction a été achevé en 1868, conçu par James, le frère de Joseph, un manoir de style gothique (illustré) qui a reçu un nom tout aussi gothique : Gorffwysfa, qui signifie en gallois « lieu de repos » ; un nom délicieusement troublant, parfait pour les histoires troublantes d'esprits tourmentés.
Comme pour ce nom, essayer de prononcer quoi que ce soit en gallois est un défi, mais pour ceux qui veulent essayer, il se prononce Gor-VOICE-va, le 'VOICE' prononcé comme le mot 'voix' en anglais. Bizarrement, cependant, Joseph Currier n'était pas gallois et il n'y a aucune indication sur la raison ou la manière dont il a choisi ce nom pour sa maison.
Les Revenants
Joseph est né à North Troy, dans le Vermont, en 1820 et est venu au Canada en 1837, où il a débuté dans l'industrie du bois, devenant finalement un riche baron du bois (Batson, Wright & Currier), un homme d'affaires (Watson's Mill) et un politicien (échevin d'Ottawa, député provincial et député fédéral). Il meurt le 22 avril 1884.
Joseph a partagé sa vie avec trois épouses, dont deux ont connu un décès tragique.
Il rencontra et épousa sa première femme, Christiana (alias Christina) S. Wilson, en 1846 alors qu'il travaillait au moulin de Levi Bigelow à Buckingham. Le couple s'installa ensuite à Bytown en 1849, lorsque Joseph a commencé à travailler pour Thomas McKay. Ensemble, Joseph et Christiana auront quatre enfants, William, James, Joseph et Margaret.
Malheureusement, leur bonheur familial sera brisé à jamais lorsqu'en septembre 1855, la scarlatine s'empare d'Ottawa. Elle envahit la maison des Currier avec une fureur mortelle et emporta les enfants dans leurs tombes, tous sauf le jeune James. Le coup sera si dévastateur que, en moins de trois ans, Christiana rejoindra ses bébés, mourant d'un cœur brisé en juillet 1858.
En août 1860, Joseph rencontre une belle jeune femme alors qu'il séjourne à l'auberge Crosbyside au lac George, dans l'État de New York. Anna Elizabeth Crosby était la fille des aubergistes. Annie, comme tout le monde l'appelait, a guéri son cœur brisé et ils se sont mariés peu après, le 25 janvier 1861.
L'année précédant la rencontre avec Annie, Joseph s'était associé avec Moss Kent Dickinson pour construire un moulin à Long Island sur la rivière Rideau (aujourd'hui appelé Watson's Mill à Manotick). Lorsqu'ils arrivèrent à Ottawa, peu après leur lune de miel, Joseph avait hâte qu'Annie voie sa nouvelle entreprise.
Le couple était arrivé pour visiter le moulin le 11 mars 1861. Annie était une femme de moyens, elle est donc arrivée magnifiquement vêtue d'une jupe cerceau à crinoline blanche à la mode.
Il y a cinq turbines dans le sous-sol du moulin qui alimentent les meules et les machines. À l'époque, bien sûr, l'attention portée à la sécurité n'était pas ce qu'elle est aujourd'hui. À un moment donné, la jupe à crinoline d'Annie s'est prise dans les machines et sa vie s'est terminée en un instant lorsqu'elle a été violemment projetée contre un pilier de pierre. Joseph Currier était témoin du terrible moment où sa vie maintenant heureuse allait s'arrêter brutalement seulement quelques semaines après ses noces.
Beaucoup ont dit qu'une belle femme aux cheveux blonds peut être vue à la fenêtre de l'étage supérieur de Watson's Mill les nuits au clair de lune. On dit que c'est l'endroit où le fantôme d'Annie revient pour pleurer la perte de sa vie terrestre, mais il faut se demander si ce serait vraiment l'endroit où une jeune femme voudrait passer l'éternité, si elle doit effectivement revenir. Lisez la suite.
La troisième fois est la bonne...
Joseph Currier a fait son deuil et ensuite, il est passé à autre chose. Il a apaiser son âme meurtrie en se plongeant dans les affaires et la politique. Si rien d'autre ne devient évident, on peut voir qu'il a toujours eu la capacité de se remettre des pires coups de la vie. En cinq ans, il faisait à nouveau des projets pour une nouvelle vie, construisant Gorffwysfa comme cadeau de mariage pour sa troisième épouse, Hannah Wright.
Lorsqu'il la rencontre, Hannah Wright était membre de la royauté locale, pour ainsi dire une héritière de la première famille de la vallée de l'Outaouais, fille de Ruggles Wright, le fils qui a survécu à tous les autres pour hériter du vaste domaine de Philemon Wright.
On dit que Hannah était une femme profondément religieuse, bien connue pour ses œuvres de charité, une femme qui aimait recevoir. Comme elle était l'une des hôtesses les plus charmantes et les plus accomplies de la région, Gorffwysfa est devenue LA place où les célébrités d'Ottawa se réunissaient pour des bals et des levées, accueillant les princes, les gouverneurs généraux et les premiers ministres lors des fêtes somptueuses des Currier. Cinq cents personnes, dont Sir John A. MacDonald, pas moins, étaient présentes à la pendaison de crémaillère de Gorffwysfa.
De plus, les Currier étaient connus pour leur philanthropie. Un don public, en particulier, les rapprochera du monde des esprits : une généreuse donation de terrain pour la création du cimetière de Beechwood, en 1874. Tout de suite après, Joseph et Hannah y ont fait emporter les dépouilles des trois enfants de Joseph, ainsi que celles des deux premières Mme Currier.
Pendant un certain temps, les Currier ont eu une pupille vivant avec eux à Gorffwysfa : leur nièce, Bertha Wright. Comme sa tante Hannah bien-aimée, Bertha avait une dévotion fervente et durable pour sa foi, qui provenait sans doute de l'influence d'Hannah. Elles étaient si proches que Bertha prit le nom de sa tante. Tous ceux qui la connaissaient, la connaissaient sous le nom d'Hannah.
Bertha pratiqua sa foi, en consacrant sa vie à aider les femmes égarées. Elle a fondé le Home for Friendless Women qui est devenu par la suite le YWCA d'Ottawa. Pour son rôle dans la création d'une institution similaire à Hull, elle a déclenché une émeute, ce qui lui a valu le titre l'héroïne de Hull. (Pour voir la vidéo anglaise, Taking Time - The Heroine of Hull, cliquez ici : https://vimeo.com/151595168).
Bertha est devenue présidente nationale de la YWCA du Canada et a également écrit un livre sur son illustre arrière-grand-père Philemon, intitulé White Chief of the Ottawa.
Les autres ...
Lorsque Hannah a quitté cette vallée de larmes, en 1901, la maison a été vendue à William Cameron Edwards, un baron de bois de la vallée de l'Outaouais de seconde génération, politicien et collectionneur d'œuvres d'art importantes qui orneraient un jour les murs de notre Galerie nationale. William Edwards a vécu à Gorffwysfa sans incident jusqu'en 1923, date à laquelle la maison a été laissée à son neveu, Gordon Campbell Edwards.
Curieusement, le frère de Gordon, Cameron Macpherson Edwards, a fait construire son propre manoir en 1925 sur le lac Mousseau dans les collines de Gatineau. Ce manoir allait devenir la résidence d'été des premiers ministres canadiens sur le lac aujourd'hui appelé Harrington. Cameron Edwards a vécu son propre tragédie personnelle, lorsqu'en mai 1940, la voiture que conduisait son fils, le lieutenant John Cameron Edwards, a plongé du pont des Chaudières, le noyant.
Il est bien connu dans la vallée que la Chaudière n'abandonne pas facilement ses noyés. Ce n'est qu'au bout d'une quinzaine que la rivière lâche son étreinte, et à la lumière de la lune, ils sont déposés, en silence, solennellement, sur la berge au pied de la falaise qui abrite le lieu de repos, Gorffwysfa.
Les chuchotements dans les couloirs du 24, promenade Sussex
Tout comme la pièce classique de Noël Coward, Blithe Spirit, où un homme d'affaires prospère et sa femme ont le malheur de partager leur foyer heureux avec le fantôme de l'ex-femme décédée de l'homme, je pense que Gorffwysfa est certainement un candidat pour accueillir une reconstitution de l'intrigue de Coward, étant donné toute cette histoire.
Ayant passé ses plus belles années à Gorffwysfa, il ne serait pas inimaginable que Joseph Currier, ou du moins son esprit, s'attarde encore dans ce manoir, aujourd'hui abandonné. J'imagine son spectre passer des soirées tranquilles assis au coin du feu dans le salon, fumant la pipe tout en partageant le thé avec sa bien-aimée Hannah, Bertha lit sa Bible aux trois enfants, pendant que Christiana étale de la confiture de fraises sur des scones fraîchement cuits dans la cuisine.
En haut, Annie admire une robe à froufrous dans un miroir doré orné, se pinçant les joues avant de descendre rejoindre les autres. Dans le salon, les hommes Edwards partagent un brandy et des cigares.
(Au cas où vous n'auriez pas deviné ... c'était Kim Campbell)
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